lundi 24 novembre 2008

HOT 8 BRASS BAND LIVE AU 6PAR4












Hot 8 Brass Band
Le Hot 8 Brass band, ce sont 8 musiciens formant une des fanfares les plus explosives de la Nouvelle-Orléans, proposant une musique influencée par le funk, le rythm’n blues, le jazz. Interview de Bennie Pete, le meneur, qui joue du sousaphone. Nous sommes installés dans un couloir du 6PAR4, quelques minutes avant le concert. Après quelques phrases de présentation, la discussion s’engage, un peu décousue. Il faut dire que l’anglais d’un Black de Louisiane, qui mesure 2 mètres de haut, c’est un peu troublant au démarrage. La discussion brute est retranscrite au mieux, avec ses hauts et ses bas.

Vous êtes une fanfare de la Nouvelle-Orléans, mais vous êtes influencés par toutes sortes de musiques. Comment en êtes-vous arrivés à mélanger les genres ?
Ben, c’est juste qu’on adorait ce challenge de jouer différentes musiques. Tu sais, y a plein de gens qui arrivent en nous disant : « Hey les mecs, j’imagine comment vous pourriez jouer cette chanson, ou celle-là »… non, nous, on jouait cette chanson, simplement. Et à force, on a pris conscience qu’on pouvait toucher beaucoup de gens différents. Et nous on ne voulait pas avoir juste un type de public. On veut mélanger, des jeunes des vieux, on veut toucher tout le monde, et c’est pour ça qu’on joue différentes musiques.

Est-ce que la culture des brass band se pratique par quartier, comme la samba au Brésil ?
C’est comme la samba, mais la différence est que ça peut être n’importe où dans la ville, pas dans un quartier particulier. Bon, il y a comme une sorte de zone où c’est plus concentré, qui est le coin de Treme, mais il y a des groupes partout dans la ville, au nord, au sud.

Vous ne jouez pas que de la musique de déambulation. Il y a du funk, du hip-hop, du reggae. Est-ce que jouer sur scène est différent de la rue ?
Eh beh, sur scène, on ne va pas être autant fatigué ! Mais musicalement, non, il n’y a pas de différence. Quand je marche, ça dépend de la longueur de la route. D’un côté, je préfère marcher, mais en fait, je ne veux pas marcher parce que tu te retrouves trop fatigué.

On dit que vous pouvez jouer très longtemps. Quelle a été la plus longue prestation ?
Le plus long ? Non, je ne me souviens pas… peut-être quatre heures.

Pendant l’ouragan Katrina, où étiez-vous ?
Oh, j’avais évacué la ville. Je ne suis rentré qu’un ou deux mois après. Avant, ils ne laissaient personne revenir pendant ce mois environ qui a suivi. Dès qu’ils nous ont autorisés à revenir, je suis allé à la maison.

Elle était détruite ?
Oui, oui…

Silence.

Et est-ce que la musique vous a aidés ?
Oui, bien sûr ! Et l’opportunité qu’on a eu de voyager et de voir que les gens nous prêtaient attention, nous écoutaient et prenaient plaisir, ça nous a aidés.

Quelle a été cette action que vous avez menée : Save our brass ?
Personne n’avait prédit que ce serait un tel désastre. Et nous avons perdu tous nos instruments et beaucoup d’autres musiciens avaient perdus les leurs. Alors on a juste fait ça pour que des gens donnent des instruments pour que les musiciens puissent rejouer.

Comment ?
Bien, il y a eu des établissements, des lycées, des universités, qui nous en ont donné, et on a pu rejouer dans le nord. Et on a joué pour sensibiliser les gens, et on leur disait ce qui s’était passé, et you know, les gens ont donné vraiment beaucoup d’instruments !

Pour vous, et d’autres groupes, alors ?
Oui, oui ! Il y en a environ 12-15.

Pas plus ?
C’est que beaucoup de groupes étaient composés de personnes âgées et beaucoup de vieux mecs sont morts. Ça a créé un grand fossé dans les groupes. Il y en a quelques uns qui renaissent, les Dirty Dozen, par exemple. Donc, il y a des jeunes qui arrivent, mais entre les deux, il y a un fossé.

Ce n’était pas une musique à la mode ?
Non, ce n’était pas mainstream, mais un truc d’arrière-cour (back street). Les gens connaissent, mais ne sont pas forcément impliqués, même moi, avant de commencer, je connaissais mais n’étais pas impliqué. Ils jouaient dans la rue, et je n’allais même pas les voir. J’étais habitué, mais n’étais pas à fond dedans. C’est comme ça chez nous, les gens ne vont pas forcément supporter, défendre cette musique. Ce n’est pas qu’ils n’aiment pas cela, juste que ça ne les intéresse pas. Seules quelques personnes « sélectionnées » étaient impliquées.
C’est la raison pour laquelle on ne nous apprend pas cette culture à l’école. Donc, tu dois être intéressé par ça, et tu dois chercher, rôder, t’impliquer, rencontrer des gens pour avoir de l’information. Il y avait quelque chose d’une société secrète.

C’est une musique typiquement jouée par la communauté noire ?
Oui, oui…

Vous avez déjà enregistré. Est-ce que vous avez de nouveaux projets ?
Oui, on va retourner en studio, je pense vers mars ou avril prochains.

Vous comptez rester sur la même ligne, ou est-ce que vous allez évoluer ?
Oui, on va changer des trucs… On veut parler de beaucoup de choses, faire savoir tout ce qu’on a connu, chez nous…Là-bas, c’est fou, la récession... Surtout à la Nouvelle-Orléans, les gens essaient de reconstruire, mais ils sont complètement perdus, et il y a beaucoup de crimes, de meurtres, qui nous inquiètent.

Et c’est dans votre vie quotidienne, pas à la télé ?
Non, c’est juste en face de chez moi !

Alors ce ne sera pas de la musique joyeuse ?
Si, la musique sera joyeuse, mais les paroles seront plus fortes.

Qui écrit ?
Tout le monde. On fait surtout la musique comme on fait un jeu. Un mélange. Parfois, il y a un gars qui fait toute la chanson, mais la plupart du temps, on vient juste et on fait la musique. On est tous comme des frères. Tu sais, la plupart n’ont que des sœurs, moi, j’ai deux sœurs. Alors, on est comme des frères… Alors, voilà, parfois, j’arrive avec une ligne de basse, untel me dit : « Hey, c’est quoi ? », je le joue, il ajoute du tambour. Et ça avance.

Vous écrivez les partitions ?
Bon, on le joue, on se lâche, et après on commence à le noter. Dans un premier temps, on n’écrit pas. Ça dépend, y a des chansons qu’on va faire mûrir dans notre tête avant de les jouer.

En voyageant, vous rencontrez du monde, ça vous donne des idées ?
Ouais, ouais, j’ai beaucoup de chansons dans mon téléphone, you know (il s’en sert comme enregistreur pour chanter ses idées musicales).

J’ai hâte de vous écouter maintenant…
On n’écrit pas de listes de chansons avant le concert non plus… On y va au feeling. Je ne peux pas te dire ce qu’on va jouer ce soir, je ne sais pas. Même après, souvent, je ne sais pas ce qu’on a joué, après une ou deux heures, je ne me rappelle plus. « Qu’est-ce qu’on a joué ? » Ah, je ne m’en souviens plus…

Bon. Finalement, ils avaient l’air très calés sur leurs morceaux. Un concert mémorable, plein d’énergie, de groove, d’influences musicales chaudes.
Propos recueillis par Rémi Hagel, pour Tranzistor.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Cool cette vidéo! Je n'y étais pas mais ca avait l'air un super concert! Un groupe que j'ai envie de voir en tout cas!!